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  • Photo du rédacteurChristian Job-Maurion

Tel un plongeur à cheval : le royalisme syndicaliste de Thoyot

Dernière mise à jour : 26 mars

#challengeUproG du mois : « une personnalité locale ».

Portrait de Léon Thoyot
Léon Thoyot

Léon Thoyot (1883-1954) est un avocat et une personnalité locale d’Amiens. Il a exercé la fonction de bâtonnier de l’ordre des avocats de 1939 à 1941 mais il était surtout connu dans la région pour son engagement politique dans les années 1920 et 1930. Thoyot a évolué du socialisme (SFIO) au néo-socialisme (PsdF, USR) et fut le candidat à plusieurs élections : au conseil d’arrondissement, à l’assemblée nationale (deux fois), au conseil général. Cependant il n’a jamais été élu à l’exception de son mandat au conseil municipal d’Amiens en 1929. Thoyot était aussi président de la Fédération de la Somme de la Ligue des Droits de l’Homme et avocat-conseil auprès du Secours Rouge International et de l'Union départementale des syndicats CGT.


Thoyot faisait partie de ces socialistes qui à la fin des années 1930 ont adoptés des positions politiques fascisantes, dans la mouvance de Marcel Déat, mais en octobre 1941 il romp avec ce mouvement qui se radicalise dans la Collaboration. Bien qu’anticommuniste, Thoyot était fermement opposé aux persécutions contre les communistes et les franc-maçons (il l’était lui-même). De 1941 à 1944, il a défendu de nombreux communistes et résistants et notamment le député communiste Jean Catelas, qu'il avait pourtant combattu dans les urnes.


Thoyot était un bourgeois syndicaliste, un socialiste fascisant, un collaborationniste défenseur des résistants, le co-fondateur d'une société d'union Science et Foi… Sa vie est marquée par les contradictions apparentes. Grâce aux archives, en creusant sa biographie, on découvre qu'elles remontent dans le temps.


Thoyot est né en 1880 dans une famille bourgeoise peu conventionnelle. Son père était avocat près la cour d’appel de Paris, son grand-père paternel, un polytechnicien, était inspecteur général des Ponts et Chaussées, et son grand-père maternel était médecin. Thoyot appartient donc à la bourgeoisie et pourtant ses parents en défièrent les codes. Ils ont vécu ensemble, avec leurs deux fils, sans être mariés jusqu’en 1892, lorsque Léon avait presque douze ans. Le mariage a eu lieu sans le consentement des parents du marié, mais les raisons de leur opposition demeurent inconnues.


Mariage Thoyot-Wickel
Acte de mariage des parents de Thoyot le 6-7-1892 (Paris 1er)

Thoyot a grandit à Paris puis à Amiens où son père a été nommé juge au tribunal de première instance. En 1900, à l’âge de 20 ans, il s’engage dans l’armée pour trois ans. Les registres militaires nous apprennent qu’il souffrait de problèmes articulaires qui vont l’exempter d’un an de service au milieu des trois. C’est pendant cette année de césure qu’il s’engage en politique. Les archives de la presse le révèlent : il œuvre à Paris au sein de l’Avant-Garde Royaliste, du Comité Royaliste du 4e arrondissement et du micro-parti monarchiste Fédération patriotique. Assez surprenant pour un futur militant socialiste...

En réalité l’étude de la presse nous indique qu’il était à la fois monarchiste et socialiste… On comprend qu’il était déjà partisan de la doctrine corporatiste, ce qui éclaire grandement son ralliement au socialisme fasciste à la fin des années 1930. Et puis il était ouvriériste et syndicaliste. En 1906 il co-fonde avec Firmin Bacconier la Ligue de l’Accord Social, un parti qui voulait concilier le syndicalisme révolutionnaire et le monarchisme et qui suscita les sarcasmes de la CGT. Thoyot prend la parole lors de nombreux meetings et conférences. Ses idées nous apparaissent : pour lui “la monarchie héréditaire et traditionnelle est le seul régime capable d’organiser le travail”, "la place des royalistes est à l'avant-garde du mouvement syndical qui doit aller jusqu'à la corporation sous l'égide de la Monarchie". Il exhorte ceux qui voient là une contradiction, à dissiper leurs préjugés sur le royalisme.


La Gazette du 9-1-1903 Le Triboulet du 24-7-1904 La Gazette du 19-4-1907



L'Action Française du 31-7-1908
L'Action Française du 31-7-1908

En 1908, la presse se fait l’écho d’un terrible incident. Thoyot avait été délégué par le Comité d’Action des Royalistes Syndicalistes pour participer à une manifestation de la CGT à Draveil-Vigneux. Celle-ci dégénéra et finira dans le sang, avec un bilan de quatre morts et une soixantaine de blessés, parmi lesquels Thoyot qui fut bousculé, renversé, piétiné, criblés de coups de pierres, de coups de plat de sabre et de coups de bâton. La presse de l’époque en profite pour railler son "royalisme syndicaliste" le qualifiant de "plaisanterie d'opérette digne de figurer à côté du légendaire amiral suisse ou du fabuleux plongeur à cheval" (Le Petit Troyen du 5-8-1908)


En septembre, Thoyot est entendu comme témoin dans l’enquête qui succède à cette affaire. Est-ce la peur de compromettre sa carrière qui le pousse à rentrer à Amiens en fin d’année et à se retirer de la vie militante?


En 1914 il est mobilisé et traverse la guerre dans un service d' équipage militaire où il parvient au grade d’adjudant. Il est démobilisé en 1919, rentre à Amiens et s’engage de nouveau en politique pour devenir la figure locale qu'on connait, s'éfforçant de faire oublier son passé royaliste.


Thoyot s'était marié en 1912 et avait eu une fille unique, la comédienne Jeanne Hardeyn (1915-1981), qui a remporté le deuxième prix de tragédie au Conservatoire de Paris et a été l'égérie de Louis Jouvet.


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